Le financement des PME quel rôle pour l assurance

Jean-Daniel Levy a introduit la matinée en expliquant l’état d’esprit des entrepreneurs à la lumière de certains sondages. Selon lui, « interroger les entreprise c’est à peu de choses près interroger les Français ». Le contexte économique est anxiogène face à un avenir incertain. Le Directeur du Département Politique & Opinion d’Harris Interactive a résumé les trois attentes majeures des dirigeants d’entreprise aujourd’hui.

Tout d’abord, les dirigeants d’entreprise souhaitent comprendre les règles du jeu pour pouvoir se projeter dans l’avenir au niveau français et européen. Ils ont du mal à comprendre l’instabilité du cadre réglementaire et financier. Ensuite, les dirigeants d’entreprise espèrent une forte implication des salariés dans le long terme, et notamment de la part des jeunes. Enfin, les chefs d’entreprise attendent une reconnaissance accrue de leur effort et notamment dans les médias. A la différence des Etats-Unis, la réussite entrepreneuriale est peu médiatisée en France.
L’excellence entrepreneuriale française et les stratégies d’investissement des grands acteurs

Jérôme Grivet, directeur général de Crédit Agricole Assurances, a évoqué tout d’abord la place essentielle que représentent les assureurs dans le financement de l’économie dont 50 milliards d’euros sont alloués aux PME. Des efforts sont faits pour le coté et le non coté. Les banques ont inventé le « originate to distribute ». Jérôme Grivet a rappelé que les assureurs sont des investisseurs mais qu’ils ne seront jamais des banquiers. Leur rôle est d’apporter rigueur et innovation dans l’investissement. Il a également précisé que les assureurs appartiennent à un « écosystème financier », qui subit les règles plutôt rigides de Solvabilité 2. Des initiatives de place sont à noter comme les fonds Novo ou le fonds stratégique de participation.

Lors de cette table ronde, trois entrepreneurs ont pu s’exprimer. Stéphanie Pelaprat, fondatrice de Restopolitan, a présenté son histoire en termes de lever de fonds. Restopolitan, start-up de service et d’édition de logiciels, compte 40 salariés et réalise 4 millions de chiffre d’affaires. Au démarrage du projet, les investissements venaient du love money et des concours gagnés. En 2007 la société a levé 500 000€ via le mécanisme de la loi TEPA puis en 2010, la levée d’argent s’est faite via des Business Angels de renom. En 2014, la société a réalisé sa première acquisition en se finançant par de la dette. Jean Pascal Pham-Ba, cofondateur de Solairedirect, a quant à lui reconnu que le problème n’est pas celui de l’innovation et de sa technicité mais est bien plus économique et sociétal. « L’innovation est là. Or, les investisseurs et les banquiers pensent souvent que la technologie est un risque ». Enfin, Thomas Boudalier, cofondateur, Neolane, a présenté une troisième réalité d’entrepreneur. Néolane, éditeur de logiciel dans le domaine du marketing digital, a réussi sa première levée de fonds de 2 millions d’euros.

Thibault Lanxade, Membre du Conseil Exécutif du Medef en charge de l’entrepreneuriat, a rappelé la nécessité de bien identifier les outils financiers existants. Pour une PME il est « plus simple de demander un prêt à sa banque que d’ouvrir son capital » précise-t-il. Les PME doivent donc être plus accessibles et mieux identifiées. Et à Arnaud Caudoux, directeur financier et directeur garantie de Bpifrance, d’ajouter que « l’entrepreneur ne doit pas passer son temps à lever des fonds ».
Inciter les assureurs à investir : peut-on faire confiance au marché ?

Si pour Arnaud de Bresson, directeur général de Paris EuroPlace, la place financière de Paris est mobilisée sur le PEA-PME, Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale de la Fédération Bancaire Française, précise que l’essentiel du financement des entreprises restera encore en France pendant longtemps le crédit (1 000 milliards d’encours). Marie-Anne Barbat-Layani a même évoqué le retour d’une « bonne titrisation ». Elle ajoute également qu’il « reste beaucoup à faire sur la réorientation de l’épargne ». Sylvain de Forges, directeur général délégué AG2R La Mondiale, a pour sa part défendu le développement d’une « culture du risque raisonné » et « d’investissement dans la simplicité et la lisibilité ».

Bernard Gilly, iBionext, a déploré le manque de fonds réellement capables de financer le développement de nos entreprises. Il a cependant salué deux initiatives : celle de Bpifrance avec le « large venture » et celle du PEA-PME. Frédéric Lavenir, directeur général de la CNP, s’est montré plutôt optimiste même s’il n’a « jamais vu un esprit entrepreneurial aussi important et aussi peu de financement ».
Le contrat euro-croissance, les fonds de prêts à l’économie et les nouveaux contrats d’assurance-vie peuvent-il changer la donne ?

Stéphane Dedeyan, directeur général délégué de Generali France, en introduction de la table ronde, a évoqué les contraintes réglementaires nouvelles touchant les assureurs. Des innovations dans le financement sont proposées même si au final seulement 5% du financement tombe dans l’escarcelle des PME-ETI. Pour lui, il ne faut pas oublier de considérer les caractéristiques de l’épargnant plutôt averse au risque. « Il faut changer la structure du passif et inciter les clients à prendre des risques bien pensés ». Il a conclu son propos introductif ainsi : « les assureurs agissent pour le financement des entreprises via la transformation innovante de leur passif ».

La faiblesse des informations données sur le risque des PME-ETI constitue un frein à l’investissement, selon Thierry Giami, président de l’Observatoire du financement des entreprises par le marché.

Pierre-Olivier Goineau, président France Biotech, fondateur, Erytech Pharma, « le temps de la banque n’est pas le temps de la Biotech, chacun a ses contraintes. Mais dans notre domaine il faut être le premier. Il nous manque la puissance d’argent pour gagner en vitesse. Pour l’instant il n’y a que l’Etat, à travers Bpifrance qui croit en nous. »
Conclusion par Bernard Spitz

En conclusion, Bernard Spitz a félicité tous les acteurs de l’écosystème, reconnaissant que « même si chacun a ses priorités, il semble y avoir une grande cohérence dans le plan d’action ». Il a rappelé que les assureurs français contribuaient à hauteur de 2 000 milliards d’euros d’investissements dans l’économie, dont 58%, dédiés au financement des entreprises. Il a également évoqué l’évolution de l’écosystème du financement des PME, qui fortement régie par l’intermédiation bancaire, tend à se diversifier notamment grâce aux actions des pouvoirs publics. Il reste cependant des contraintes à surmonter comme l’aversion au risque des épargnants, le manque de culture sur les PME-ETI ou encore l’instabilité de la fiscalité. Depuis 2012, le monde de l’assurance s’est fortement mobilisé avec la création des fonds Nova et fonds Novo. Enfin, Bernard Spitz a émis des propositions pour l’avenir : permettre aux fonds de prêt de financer les holdings, rendre les placements privés moins couteux pour les entreprises, garantir le succès des Contrats euro-croissance et Vie-génération, faire évoluer le modèle économique du Private Equity par un travail commun entre la FFSA et l’AFIC.